Firmin PALARDY, « Mort pour la Patrie » en 1870.
En consultant la publication éditée à l’occasion de l’inauguration du monument édifié à Fontenay-le-Comte le 27 avril 1897 à la mémoire des soldats de l’arrondissement de Fontenay-le-Comte morts pour la patrie en 1870-1871[1], j’ai découvert qu’un certain Firmin PALARDY, né le 30 juin 1848 aux Magnils Reigniers, est mort pendant la guerre de 1870 incorporé dans l’armée de la Loire. Sachant que mon arrière-grand-père, Jean-François PALARDY ou PALLARDY selon les actes, est né le 18 août 1835 aux Magnils Reigniers, un lien de parenté peut exister entre eux. Peut-être étaient-ils frères ? Une vérification dans les archives d’état civil s’impose…
« L’an mil huit cent quarante huit, et le 30 juin à huit heures du matin, par devant nous Ballineau Pierre, maire officier public de l’état civil de la commune des Magnils Régniers, canton de Luçon, arrondissement de Fontenay le Peuple, département de la Vendée, est comparu en notre maison commune Palardy Pierre, maçon, âgé de 30 ans, domicilié au village de Beugné labbé, de cette commune, lequel nous à présenté un enfant reconnu du sexe masculin né du jour précédent à quatre heures du soir, de lui déclarant, et de Frelon Julie, son épouse, sans profession, âgée de vingt quatre ans, auquel il à déclaré vouloir donner les prénoms de Jean Firmin, les dittes présentations, déclarations faites en présence de Ageon Jacques, propriétaire cultivateur âgé de trente deux ans et de Parion Pierre, garde champêtre, âgé de soixante cinq ans, les 2 domiciliés au bourg des Magnils régniers amis du père, et de l’enfant.
Après lecture du présent acte faite par nous aux comparus, les témoins ont avec nous soussignés, le père de l’enfant a déclaré ne le savoir »[2]
Les parents de Jean Firmin se sont mariés le 7 janvier 1845 aux Magnils Reigniers[3], à savoir : Pierre PALARDY, maçon, âgé de vingt-six ans, domicilié à Beugné l’Abbé, né en cette commune le 21 novembre 1818, fils majeur de Pierre PALARDY, journalier et Françoise GIRAUDET son épouse, domicilié audit village de Beugné l’Abbé ; avec Jeanne Julie FRELAND[4], sans profession, vingt ans, domiciliée à Beugné, née le 8 janvier 1824 à Vix.
Jean Firmin PALARDY, qui est en fait né le 29 juin 1848, est donc le cousin-germain de mon grand-père paternel ; leurs pères respectifs étaient frères. Lors du recensement de 1866, selon les listes nominatives[5] dressées le 29 mai 1866, Firmin habite au village de Beugné l’Abbé avec ses parents et 3 de ses frères et sœurs, Marie, Alexandrine et François. Ils sont voisins de mon arrière-grand-père Jean PALARDY qui loge avec sa première épouse, ses deux enfants et son père Pierre PALARDY. La famille est donc regroupée autour du patriarche, Pierre, qui mourra en 1869 ; ses deux fils exercent le métier de maçon.
Je décide donc de rechercher les renseignements militaires de mon cousin au 6ème degré. Depuis la loi Gouvion-Saint-Cyr de 1818, la conscription s’effectue par tirage au sort : les conscrits ayant tiré le mauvais numéro (35% des jeunes d’une classe d’âge) effectuent un service militaire de 6 ans ! la durée passera à 5 ans en 1868. Les hommes mariés avec enfants en sont exemptés. Les appelés issus de familles aisées peuvent s’en exonérer en rétribuant un remplaçant puis, à partir de 1855 en versant une taxe à la caisse de dotation de l’armée (entre 1800 et 3000 francs selon les années[6]).
Jean Firmin PALARDY figure donc sur la liste du tirage au sort des jeunes gens de la classe 1868 du canton de Luçon arrêtée au 25 janvier 1869 sous le numéro 105[7]. Il y est indiqué qu’il est bien né aux Magnils le 29 juin 1848, il y réside et exerce le métier de maçon. Il a les degrés d’instruction 1 & 2, ce qui veut dire qu’il sait lire et écrire mais n’a pas le niveau 3 des jeunes hommes qui savent lire, écrire et compter ou possèdent une instruction primaire plus développée ; il mesure 1,59m et est noté « Bon pour le service ».
Le registre matricule militaire[8] apporte quelques précisions sous le numéro de matricule 1565. Une description physique : cheveux et sourcils châtains, yeux gris, front couvert, nez mince, bouche moyenne, menton rond, visage ovale mais sa taille est alors de 1,56m. Il est fils de Pierre PALARDY et Julie FRELON. Il est affecté dans l’infanterie, dans l’armée de Paris au 35ème de marche mobile, 2ème bataillon, 2ème compagnie. Figure également la mention de son décès : mort à Paris le 29 octobre 1870, ambulance de la rue Violet. Une ambulance désigne un hôpital militaire dressé à proximité du champ de bataille.
Je retrouve son acte de décès aux archives du 15ème arrondissement de Paris[9] :
« Acte de décès du trente octobre mil huit cent soixante dix, à trois heures du soir. Le jourd’hier à neuf heures et demie du matin, est décédé à Paris, rue Violet, en cet arrondissement, Jean François Palardy, agé de vingt deux ans, garde mobile de la Vendée, deuxième bataillon deuxième compagnie immatriculé sous le n° 1565 né aux Manils Régniers (Vendée) fils de Pierre Palardy et de Julie Frelon. Le décès a été constaté suivant la loi par nous maire du quinzième arrondissement, officier de l’état civil et le present acte rédigé sur la déclaration de Joseph Brulon, marchand de vins, agé de quarante-quatre ans et de Furcy Désiré Trudon, chapelier, âgé de quarante-sept ans, tous les deux demeurant à Paris, rue de Vaugirard, N° 285, lesquels ont signé avec nous après lecture.
Trudon »
Quelles sont les causes de la mort de Firmin PALARDY ? Il nous est bien difficile de répondre à cette question. On estime que ce conflit a fait de 120 000 à 140 000 victimes côté français, le chiffre comptabilise les soldats tombés au feu de l’ennemi, mais aussi les nombreuses victimes de maladies et les morts en captivité. Firmin PALARDY est-il décédé des suites d’une blessure au combat lors de la bataille de Chatillon le 13 octobre ou de la première bataille de Buzenval le 21 octobre 1870? Il peut également avoir succombé à la maladie car « le 15 octobre, le régiment reçut l’ordre de rentrer à Paris. Les troupes s’y trouvant alors en grand nombre, le gouvernement avait préalablement pris le soin de disposer des baraquements le long des boulevards extérieurs et autant que possible dans les quartiers bien aérés. On assigna aux mobiles de la Vendée les baraques sises au Champ-de-Mars et sur les boulevards Saint-Marcel et de l’Hôpital. Ces constructions légèrement établies étaient loin d’offrir aux troupes les conditions de salubrité désirables ; aussi ces troupes furent-elles éprouvées par les maladies, et notamment par les fièvres typhoïde et intermittente, la petite vérole et l’ophtalmie. »[10]
Firmin PALARDY est décédé dans une ambulance de la rue Violet dans le quinzième arrondissement de Paris. D’après le rapport du Docteur Ch. GIRARD, médecin-chef[11], il existait 4 ambulances militaires dans cette rue pendant le conflit franco-prussien aux numéros 36, 44, 57 et 73. Les malades et blessés étaient affectés dans l’une ou l’autre selon leurs maux. L’ambulance militaire 36 occupait l’asile communal et accueillait les blessés graves sous l’imminence d’amputation ou d’opération. Les ambulances 44, dans l’école de filles des sœurs de Saint-Paul de Chartres, et 57 dans l’institution des sœurs garde-malades des pauvres, étaient destinés aux fiévreux et malades blessés ou non blessés. L’ambulance 73, dans l’école des Frères de la Doctrine Chrétienne, recevait les maladies contagieuses telles que la variole et la dothiénentérie ou fièvre typhoïde.
Dominique FIRMERY a réalisé sur geneanet un référencement de plus de 50000 victimes du conflit franco-prussien de 1870-1871[12]. On y lit que Firmin PALARDY serait mort à l’ambulance 36 de la rue Violet ce qui indiquerait qu’il ait été gravement blessé. Pour ma part, tous les documents originaux que j’ai consultés ne précisent pas dans quelle ambulance de la rue Violet Firmin PALARDY est décédé. J’ai contacté l’auteur de cette liste mais il n’a malheureusement pas été en mesure de me confirmer l’origine de cette information ; nous ne pouvons donc pour l’heure qu’émettre des hypothèses.
A la fin du XIXème siècle règne une grande ferveur patriotique, l’exaltation du sentiment national se nourrit de l’espoir d’effacer l’humiliation de la défaite et de reconquérir l’Alsace et la Lorraine. On décide alors de commémorer les soldats morts pour la patrie pendant la guerre de 1870. Quelques monuments aux morts ou plaques commémoratives, souvent cantonaux, vont être édifiés ou apposées.
[13]
A Luçon, sur le monument cantonal élevé en 1899 devant la cathédrale à la mémoire des soldats morts pendant la guerre de 1870, seulement 2 soldats des 6 répertoriés sur la liste établie en 1897 pour le monument de l’arrondissement de Fontenay ont été inscrits pour la commune des Magnils : DROUET Louis et PALARDY Firmin. Raymond WILLIAUME précise dans un intéressant article sur ce monument aux morts : « Au total (pour le canton de Luçon), 69 noms sont présentés, 50 sont retenus après un contrôle effectué au début de 1899, et qui semble n'avoir conservé que ceux des morts du fait de l'ennemi.»[14] Cette remarque corroborerait l’hypothèse précédente que Firmin PALARDY soit bien décédé à l’ambulance 36 de la rue Violet des suites d’une blessure grave reçue au combat.
Mais le temps fait son œuvre et la pierre calcaire résiste bien mal au gel, tant et si bien que le nom de Firmin PALARDY, pratiquement illisible en 2004, a maintenant complètement disparu. Par cet article, Firmin PALARDY sort momentanément de l’oubli.
Pascal PALLARDY septembre 2020
[1] 1870-1871 Aux soldats de l’arrondissement de Fontenay-le-Comte morts pour la patrie, Pieux souvenir de leurs camarades ; Imprimerie A. Baud, Fontenay-le-Comte ; 1897 ; 61 pages ; page 38. Médiathèque du Pays de la mer à Luçon, N° inventaire : 29455 ; code-barres : 00182000177069. Ce livre d’or a été édité car il ne fut pas possible de graver le nom de toutes les victimes sur le monument comme initialement prévu tant « le glorieux martyrologue s’allongeait sans fin ».
[2] Archives Départementales de la Vendée (ADV), Registres d’état civil Les Magnils-Reigniers, 1840-1852 Naissances Mariages Décès, cote AD2E131/6, vue 253 / 428.
[3] ADV, Registres d’état civil Les Magnils-Reigniers, 1840-1852 Naissances Mariages Décès, cote AD2E131/6, vue 158 / 428.
[4] Suivant les actes, la mère de Jean Firmin PALARDY est nommée FRELAND ou FRELON. Son acte de décès sera rectifié de FRELON à FRELAND. La famille FRELAND, originaire de Vix, s’est installée aux Magnils en 1836 ou 1837.
[5] ADV, Listes nominatives Les Magnils Reigniers, dénombrement de 1866, cote 6M214, vue 14/20.
[6] Le salaire moyen d’un petit fonctionnaire est alors de 700 francs par an.
[7] ADV, Liste de tirage au sort des jeunes gens de la classe 1868, cote 1R146, vue 396/640.
[8] ADV, Registres Matricules Militaires, classe 1868, Recrutement de Fontenay le Comte, Garde mobile, cote 1R359, vue 93/271.
[9] Archives de Paris, Acte décès Paris XVème, cote V4E1910, N°acte 3373, vue 6/31.
[10] René VALLETTE, Les mobiles de Vendée au siège de Paris (1870-1871), Eugène Lafolye éditeur Vannes, 1888, p. 6 & 7.
[11] Dr Charles GIRARD, L’ambulance militaire de la rue Violet, N°57, Paris, Librairie J-B Baillière et fils, 1872.
[12] Dominique FIRMERY, arbre nommé « guerre 1870 » sur geneanet.
https://gw.geneanet.org/guerre1870?lang=fr&p=jean+firmin&n=palardy
[13] Editions ARTAUD. Photo prise entre 1905 et 1911.
[14] Raymond WILLIAUME, Le souvenir de la guerre 1870 – 1871 à Luçon, Site Luçon – patrimoine, 29 janvier 2019.