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Un immortel en villégiature sur les rives du Lay,

Eugène Brieux (1858 -1932)

                                                         Portrait d'Aristide Delannoy

                    en couverture de la revue politico/satirique "Les hommes du Jour"  du 24 04 1909

Un article paru dans L'Ouest-Éclair du 27 mars 1927 annonçait la venue d’un hôte de choix dans la cité mareuillaise en ces termes :

 

« NOTRE ACADEMICIEN. La semaine dernière, Mareuil-sur-Lay a eu la bonne fortune d'avoir dans ses murs M. Brieux, académicien, qui a été pendant trois jours l'hôte de M. Poumailloux Félix père, président de la société de pêche « La Carpe Mareuillaise ».

L'académicien est un fervent de la gaule. Aussi, malgré la basse température qui existait lors de son séjour, il n'a pas voulu venir à Mareuil-sur-Lay sans aller taquiner la carpe et le gardon.

M. Brieux a fait édifier à Mareuil-sur-Lay, sur le cours du Lay, à l’endroit où était autrefois la minoterie détruite par un incendie, une jolie maison de campagne ; les travaux touchent leur fin et la pendaison de la crémaillère, qui fera l'objet d’une petite fête, va se faire dans le courant du mois prochain, sauf avis contraire.

Ajoutons que M. Brieux a, comme autrefois Jean-Jacques Rousseau, préféré pour la toiture de sa maison la tuile joyeuse demi-ronde du pays à la sombre ardoise.

Nous apprenons d'autre part que M Brieux il a choisi comme gardien et en même temps comme jardinier, M. Wallereng, adjudant de gendarmerie à Nantes, actuellement en instance de retraite, qui va prendre possession de son nouvel emploi à la date du 1er avril prochain. Nous lui souhaitons la bienvenue. »

 

Mais qui est ce Monsieur Brieux ? Eugène Brieux est élu membre de l’Académie française en 1909 au fauteuil n°22. Voici sa biographie[1] proposée sur le site internet de l’Académie française :

 

« Né à Paris, le 19 janvier 1858.

Fils d’un artisan ébéniste, Eugène Brieux passa son enfance dans le quartier parisien du Faubourg du Temple. Employé de commerce pour gagner sa vie, il se passionna très vite pour les lettres et le théâtre, et entama une carrière de journaliste, d’abord dans la presse régionale normande, puis à La Patrie, au Gaulois et au Figaro.

Après une première pièce, Ménage d’artistes (1890), passée relativement inaperçue, il connut le succès avec Blanchette (1892). Ayant reçu le soutien d’Antoine, il put voir plusieurs de ses pièces interprétées par la troupe de ce dernier. Dans son répertoire voué essentiellement à la comédie, on peut citer notamment : L’Engrenage (1894), L’Évasion (1896), Les Trois filles de M. Dupont (1897), La Robe rouge (1900), Les Avariés (1901), La Femme seule (1912).

Issu d’un milieu modeste, et arrivé au théâtre sans avoir suivi la filière classique des humanités, Eugène Brieux s’est imposé comme un dramaturge sans grande originalité mais dont la sincérité, servie par un véritable savoir-faire, a su toucher un large public populaire. Son œuvre témoigne de ses idées sociales et de son souci généreux de défendre et de donner voix aux faibles et aux opprimés.

Eugène Brieux fut élu à l’Académie française le 18 mars 1909, au fauteuil de Ludovic Halévy. Son élection qui l’opposait à d’autres hommes de théâtre, Georges de Porto-Riche et Alfred Capus, fut difficile mais il finit par l’emporter avec 18 voix. C’est le marquis de Ségur qui le reçut le 12 mai 1910.

Mort le 6 décembre 1932. »

 

Eugène Brieux est régulièrement mentionné dans la presse parisienne pour ses différentes productions théâtrales, mais il va également se faire remarquer par son engagement pendant la première guerre mondiale auprès des soldats blessés aux yeux. Dès 1915, à la demande du président du conseil, René Viviani, il organise la prise en charge des aveugles blessés au combat dès leur entrée dans les hôpitaux. L’objectif est de regrouper les blessés aux yeux pour commencer leur rééducation (braille et dactylographie) et préparer leur reclassement social. « En 1915, empêché par son âge de s’enrôler parmi les combattants, Eugène Brieux résolut de se consacrer aux victimes qui venaient de perdre la vue sur le champ de bataille. Il fonda, pour ces mutilés, une Maison de rééducation à Neuilly, et exerça sur eux, ainsi qu’en leur faveur, une action considérable. »[2] Après la signature de l’Armistice, Eugène Brieux conseille aux aveugles de guerre de créer une association disposant de moyens efficaces et d’un réseau d’amitiés pour poursuivre l’action de son comité. L’Union de Aveugles de Guerre (UAG) se fixe trois buts essentiels :

            *Créer la maison des aveugles

            *Rééduquer les aveugles ayant la possibilité de travailler

            *Défendre les droits et les conditions matérielles des mutilés de guerre, plus particulièrement des aveugles.

Reconnue d’utilité publique en 1921, l’UAG sera dissoute en 2015.

 

François Mauriac qui succéda à Eugène Brieux au fauteuil n°22 de l’Académie française évoque l’engagement de son prédécesseur en ces termes : « Lui qui, selon ses propres paroles, ne pouvait se résigner à la souffrance des autres, emporta en mourant cette consolation d’avoir été un sauveur pour les plus malheureux, entre tous les blessés de la grande Guerre. C’est à l’hôpital de Chartres qu’il découvrit l’affreuse détresse des jeunes hommes aveugles et, en même temps, leur courage surhumain : « Vous ne pouvez savoir, confiait-il à un journaliste, quelle émotion vous secoue et vous brise devant des êtres sans yeux ! Combien est beau ce courage sans gloire, sans témoin, anonyme ! Le silence de ces hommes comme il est émouvant ! Mais leurs sanglots ! leurs sanglots dans les couloirs des hôpitaux, qui vous poursuivent, vous harcèlent, qui appellent peut-être... Quel déchirement ! »

Nous savons de quel cœur Brieux entendit cet appel : au premier atelier de brosserie qu’il fonda, beaucoup d’autres succédèrent. Le Journal des Soldats blessés aux yeux fut créé. Des écoles de rééducation s’organisèrent pour eux dans de nombreuses villes. Entre temps, cet académicien qui méritait d’être appelé le Camelot des Aveugles, parcourait l’Europe et l’Amérique.

Mais tout l’argent du monde n’eût pas suffi à sauver du désespoir ces jeunes êtres voués aux ténèbres ; il y fallait un cœur plein d’amour. Votre confrère en poursuivit plus d’un jusqu’à l’extrême bord du suicide, les prit dans ses bras et, à la lettre, leur rendit la vie. La rééducation essentielle où Brieux excellait, ce fut de leur insuffler cette vertu qui exige tant de courage, même quand nous ne sommes pas aveugles, et qui est la vertu d’espérance. Comment Brieux fut payé de sa peine, et dès ici-bas, lui-même nous le confie : lui qui avait entendu avec horreur les sanglots de ses amis sans yeux dans les couloirs de l’hôpital, entendit un jour chanter : « Quelle est donc cette salle où l’on chante ? » demanda-t-il. C’était la salle des aveugles. »[3]

 

Eugène Brieux s’est marié en 1878 avec Blanche Bricout (1858-1925). Le 28 juin 1927, il s’unit à la célèbre actrice Jeanne Even (Jeanne Marie Courtois, 1877 - 1950), pensionnaire de la Comédie-Française de 1911 à 1927.

Il est promu grand officier de la Légion d’honneur en 1929.

                          

                                                           

Eugène Brieux académicien
portrait d'Eugène Brieux par Aristide Delannoy en couverture de "les hommes du Jour"  du 24 04 1909
Mariage Eugène Brieux Le journal, Paris, n° 12673 du 29 06 1927 p2
Eugène Brieux bienfaiteur des écoles Ouest-Eclair 17 07 1928
signature Eugène Brieux
Article décès d'Eugène Brieux en première page du petit parisien n° 20371 du 07 12 1932
Acte décès Eugène Brieux 6 décembre 1932
Mareuil sur Lay Le moulin restauré par Eugène Brieux en 1926 1927

                        Le journal, Paris, n° 12673 du 29 06 1927, page 2.

Habitant jusqu’à sa mort la prestigieuse avenue Frochot dans le 9ème arrondissement de Paris[4], (l’avenue Frochot est une voie privée reliant la place Pigalle à la rue Victor Massé où ont habité de nombreux artistes et personnalités tels, entre autres, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Jean Renoir ou Django Reinhardt ; Toulouse-Lautrec y eut son atelier), Eugène Brieux possède aussi une villa, « Le Pin qui danse », à Cannes de 1920 à 1926[5]. Il acquiert en 1926 la minoterie de Mareuil sur Lay ravagée par un incendie, il la restaure en résidence secondaire et la fréquente jusqu’en 1930.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le moulin de Mareuil sur Lay  à l'époque d'Eugène Brieux

Eugène Brieux décède le 6 décembre 1932 dans son appartement de la promenade des Anglais à Nice[6].

 

                                                             Article paru en première page du "Petit Parisien" du 07 décembre 1932

                                                              Pascal PALLARDY, février 2023

[1] Biographie d’Eugène Brieux sur le site de l’Académie française, https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/eugene-brieux

[2] In Le Valentin Haüy, revue universelle des questions relatives aux aveugles, 1er trimestre 1933, p.18.

[3] François Mauriac, Eloge prononcé le 16 novembre 1933 lors de son investiture à l’Académie française à la place d’Eugène Brieux.

[4] Le 2 décembre 1935, les aveugles de guerre ont apposé une plaque à la mémoire d’Eugène Brieux, leur « grand-père », sur la maison qu’il habita dans l’avenue Frochot.

[5] Le 6 décembre 1936, la municipalité de Cannes honore la mémoire d’Eugène Brieux en apposant une plaque commémorative sur les murs de la villa « Le Pin qui danse » et donne son nom à une rue du quartier de la Croisette.

[6] Maurice Maupilier, (Trois aigles d’azur au cœur profond de la Vendée, Le cercle d’or, 1980), avait écrit à tort qu’il était décédé à Paris, erreur qui sera parfois reprise. Acte de décès : Archives départementales des Alpes Maritimes, Registres Décès 1932 Nice, tome 2, acte 3675, vue 391/516.

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