La Lyre Mareuillaise
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Alors que le milieu artistique et culturel est actuellement très impacté par la crise sanitaire, je vous propose aujourd’hui un coup de projecteur sur une association mareuillaise de premier plan dans la vallée du Lay dans la première moitié du vingtième siècle : la Lyre Mareuillaise.
Comme son nom l’indique, la Lyre est une société de musique, elle a été créée le 27 novembre 1910, elle a pour objet l'étude de la musique d’ensemble, son siège est à Mareuil sur Lay sans plus de précision[1]. Dans sa séance du 18 novembre 1923, « par 9 voix contre 3 sur 12 votants, le conseil municipal de Mareuil décide de partager le crédit de 500 francs inscrit au budget additionnel pour les œuvres post-scolaires de la manière suivante : 250 francs seront attribués à la société de tir et de préparation militaire et 250 francs à la société de musique : la Lyre Mareuillaise »[2]. La musique associée au tir et à la préparation militaire dans les œuvres post-scolaires, les temps ont bien changé ! La presse nous rapporte que la Lyre est alors incontournable dans toutes les manifestations mareuillaises : défilés et inaugurations, concours de pêche, fêtes et kermesses. L’article de L’Ouest Eclair du 26 novembre 1926 nous confirme que la Lyre Mareuillaise est une des sections des œuvres post-scolaires des écoles publiques de Mareuil. Le journaliste, conquis, nous propose un traveling du banquet de l’association qui était, à n’en pas douter, « the place to be ! ».
« Banquet et bal de la Lyre Mareuillaise
Ainsi que nous nous étions fait un plaisir de l’annoncer, la Lyre Mareuillaise, pour fêter une saison musicale brillante, offrait dimanche dernier à ses membres honoraires et actifs un banquet suivi d’un bal.
A 19 heures, plus de 60 convives étaient réunis sous la présidence de M. le docteur Papon, président de toutes les œuvres post-scolaires des écoles publiques de Mareuil-sur-Lay.
Nous avons remarqué à ces agapes : MM. Caillon, percepteur, Borderon, vétérinaire, Parpaillon, maire, Brousse Alexandre, industriel, Morineau André, commerçant, Ydier, quincaillier, Bertrand Georges, épicier, Pelletreau Paul, fermier, Billaud Jean, ex-adjudant de gendarmerie retraité, Poissonnet, receveur d’enregistrement, Désamy Charles, bijoutier, Jolly, commerçant, Troger Georges, entrepreneur, etc., etc.
Un menu excellent et parfaitement ordonné, préparé par les soins de Mme Boislard, réunit tous les suffrages.
Au dessert, M. Papon prit la parole. Ce ne fut pas pour faire un discours sur l’utilité de la musique et son rôle éducateur mais pour exprimer toute sa gratitude aux dévoués musiciens de la Lyre. Il félicita les nouveaux arrivés du service militaire qui sont revenus prendre leur place dans les rangs de la Lyre Mareuillaise.
Il rendit hommage aux directeurs de la musique, M. Parant, chef et M. Arrignon, sous-chef, qui ne ménagent ni leur temps ni leurs peines pour assurer le succès de la société musicale.
Enfin le sympathique président évoqua le souvenir du vice-président, M. Guimard, décédé au cours de l’année. Il rappelle l’intérêt qu’il portait à la Lyre et fit connaitre que la famille du défunt faisait un don appréciable à la société.
Pendant tout le banquet et dès le début, les chanteurs : MM. Gélas[3], Drouet, Mercier, Durand, Michelon, Mazoué, Maratier, Aimé Alfred, égayèrent les auditeurs.
Mais l’heure du bal a sonné. Bientôt sur le parquet tourbillonnent les danseurs. Et aux accents d’un orchestre entrainant formé par des musiciens de la Lyre tout ce monde rayonnant de gaieté s’en donne à cœur joie jusqu’à une heure avancée de la nuit.[4] »
Le 26 février 1927, « les membres du bureau de la société La Lyre Mareuillaise se sont réunis au lieu habituel à l’effet du renouvellement du bureau, ce dernier ayant lieu habituellement tous les quatre ans.
Ont été nommés à l’unanimité : présidents, MM. Papon et Borderon ; vice-président, M. Pilastre ; administrateurs, MM. Drapron, Brousse, Morineau Jules, Levron Marin, Billaud Jean et Caillon ; directeur archiviste, M. Poisbelaud ; trésorier, M. André Morineau ; secrétaire, M. Vincent »[5].
Essayons de compléter ces informations en consultant le recensement de 1926 :
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Nous notons que ce conseil d’administration est exclusivement composé d’hommes, la moyenne d’âge est de 44 ans. La présidence est assurée par des notables. Les autres membres du conseil sont, de par leur activité professionnelle, des acteurs reconnus de la société mareuillaise. Les instituteurs de l’école publique sont tous présents, à des postes importants ; les institutrices sont représentées par leurs époux.
Une carte photo de la Lyre Mareuillaise en 1927 est arrivée jusqu’à nous. Celle-ci ne représente pas une philharmonie mais vraisemblablement les acteurs d’une troupe de théâtre. La Lyre Mareuillaise aurait donc développé également une section théâtre.
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Ce nouvel article de L’Ouest Eclair du 15 janvier 1927 nous le confirme et permet d’associer des patronymes à ses artistes locaux :
« Une soirée théâtrale et artistique donnée par « La Lyre Mareuillaise » a eu lieu dimanche dernier, à l’école publique de garçons, transformée pour la circonstance en salle de théâtre.
C’est d’abord la « Lyre » dont l’éloge n’est plus à faire, qui attaqua et exécuta avec une maestria remarquable Henriette, le morceau d’ouverture. Puis l’inimitable M. Maratier et l’incomparable Mlle Gouraud, qui chantèrent à ravir, le magnifique duo de La vigne, de L. Boyer.
M. Parpaillon Raymond fut vraiment, dans le rôle de M. Franquelot, un sculpteur-ébéniste accompli. Quant à M. Maratier, dans le rôle de Michel Tavernier, il sut nous montrer que s’il sait déchainer le fou-rire, il sait aussi jouer à la perfection les rôles sérieux quand il le faut. Certes, il fut un fiancé très prévenant et très empressé.
Mlle Gouraud A. fut une dame Franquelot tout à fait bien ; Mlle Guilbot M. remplit naturellement le rôle de la fille Franquelot et Mlle Levieux, quoiqu’ayant une voix un peu blanche, mérite tous les éloges pour les efforts de mémoire qu’elle avait dû faire pour s’assimiler le rôle difficile et long de Monique. On devinait facilement qu’elle y mettait tout son cœur et toute son âme.
De l’avis de tout le monde et des connaisseurs en particulier, Monique, la comédie dramatique en trois actes, tirée du roman de Paul Bourget, a été très bien réussie et interprétée à merveille par nos artistes d’un jour.
Enfin, après Monique, MM. Maratier et Mercier firent entendre quelques chansons de leur répertoire qui déclenchèrent le fou-rire de l’auditoire.
Et puisqu’on avait commencé à rire, on continua à ne pas s’en faire en écoutant et en regardant se dérouler les péripéties de la folie militaire en un acte, du répertoire de Dranem : « L‘ordonnance du colo ».
Pichet l’ordonnance, toujours Marcel Maratier, égaya tout le monde, grands et petits. Brechotteau Louis, l’homme grave de la troupe, remplit en maître le rôle du colonel de Montpégard et son frère Brechotteau Pierre, fit un distingué lieutenant de Brévannes et Raymond Parpaillon, un commandant Guériot accompli et sérieux. Mais nous devons une mention spéciale à la colonelle, Mlle Gouraud aussi bonne actrice que cantatrice distinguée, à la direction parfaite et au timbre charmant. Germaine de Montgépard, alias Mlle Guilbot, fut aussi élégante et distinguée que son fiancé, le lieutenant de Brévannes, alias M. P. Brechotteau, élancée comme lui, elle a la voix souple et harmonieuse.
Mlle Levieux remplit bien son rôle avec son mari M. Parpaillon, le commandant Guériot. D’ailleurs dans nos pièces, nous les trouvons toujours ensemble, jouant les rôles délicats et difficiles. Ce sont deux bons artistes sur lesquels on peut toujours compter et au dévouement desquels on ne fait jamais appel en vain.
Enfin, pour finir, la toute jeune et toute gracieuse, la bergeronnette sautillante de la troupe, toujours rieuse, avec son bonnet de tulle crânement campé sur l’oreille, Catherine, la bonne du colonel, Mlle Dubois.
Et maintenant, à dimanche prochain, en matinée à 13 heures, avec un programme nouveau. N’oubliez pas l’heure ! Faites-vous inscrire. »[6]
La Lyre Mareuillaise est donc une association influente et omniprésente dans la vie locale mareuillaise en ce début de vingtième siècle. Maillon essentiel des œuvres postscolaires des écoles publiques, elle est certainement également une vitrine pour la branche laïque de la cité. La loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 a déclenché de vives tensions, pour ne pas dire luttes, entre cléricaux et anticléricaux et, pour contrebalancer cette omniprésence, la Jeanne d’Arc est officiellement créée le 9 octobre 1928 à Mareuil sur Lay. But de l’association : musique instrumentale ; siège : salle du patronage[7]. Les deux philharmonies se partagent donc la scène mareuillaise, participant parfois aux mêmes événements importants de la cité comme pour le grand concours de pêche du 25 juillet 1926[8].
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Carte postale ancienne d’Eugène Guitton
Pascal Pallardy, 20 décembre 2020
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[1] Publié au Journal Officiel du 25 décembre 1910. Recueil des actes administratifs – Préfecture de la Vendée 1911, ADV 4 Num 219/102, p 93 / 631. Merci à Nathalie Bouriez pour ce renseignement.
[2] Délibérations municipales de Mareuil sur Lay Dissais, ADV, AC 135 13, P 106
[3] Ce patronyme n'est pas connu dans la région, on ne l’a pas retrouvé sur le recensement de 1926 ; probablement une erreur de retranscription. Peut-être s’agit-il de Gillot ?
[4] L’Ouest Eclair du 26 novembre 1926. Source gallica.bnf.fr
[5] L’Ouest Eclair du 2 mars 1927. Source gallica.bnf.fr.
[6] L’Ouest Eclair du 15 janvier 1927. Source gallica.bnf.fr.
[7] Journal Officiel de la République Française du 16 octobre 1928.
[8] L’Ouest Eclair du 28 juillet 1926 rapporte la participation de la Lyre Mareuillaise pour le défilé d’ouverture et de la Jeanne d’Arc au défilé de clôture du concours de pêche du dimanche 25 juillet 1926 ; cette seconde philharmonie existait donc déjà avant sa déclaration officielle en 1928.