Arrêt sur images à Mareuil sur Lay et ses environs
Quand la bonne du curé voudrait bien mais qu’elle n’peut point…
ou les inondations de 1960 au presbytère de Mareuil sur Lay.
Le bourg de Mareuil sur Lay, situé dans une cuvette, est le confluent du Marillet et du Lay alors que la Smagne se jette dans le Lay en amont ; aussi n’est-il pas rare, après de fortes pluies, que les cours d’eau sortent de leur lit. En ce début novembre 1960 particulièrement pluvieux, les sols sont gorgés d’eau. Des pluies torrentielles et continues s’abattent sur tout le département de la Vendée dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 ; les rivières débordent et les crues prennent des allures catastrophiques. Au réveil, à Mareuil sur Lay, les caves du bas-bourg sont inondées, certaines cuisines sont couvertes de 10 centimètres d’eau. « Aux premières heures de la matinée, l’eau du Marillet sortait des bouches d’égout de la place des halles. En quelques heures, la place fut recouverte d’une nappe de 50 centimètres. …/… Les enfants fréquentant le cours complémentaire[1] vinrent en classe comme d’habitude, mais vers 11 heures il fallut évacuer. »[2] « Toute l'après-midi, l'eau a continué à monter à la cadence de dix centimètres par heure dans le bas-bourg de Mareuil-sur-Lay. En fin d'après-midi la cote atteignait 7 m 60, c'est-à-dire que celle de 1951, qui s'établissait à 7 m 19, est largement dépassée. Une vingtaine de maisons ont dû être évacuées. »[3] Les Mareuillais vont vivre une nouvelle nuit d’angoisse. « À 2 h du matin, j’étais sur le pont du Lay pour surveiller la montée des eaux et je sentais les vibrations du pont dans mes jambes. »[4] La crue atteint son point culminant le samedi matin à 3 heures. On mesure 40 centimètres d’eau à l’embranchement de la rue de la Bretonnière. « Mme Victoire Ordronneau, 82 ans, sa fille Hélène et sa petite-fille Myriam, étaient isolées dans leur maison où l’eau affleurait le premier étage. On dût faire appel, vers 12 h 30 à l'hélicoptère de la Protection Civile et à celui de la gendarmerie, tandis que les voitures amphibies, de la 311ème Compagnie de transbordement de La Rochelle reprenaient leurs tentatives de sauvetage, amorcées dans la nuit sans succès. Cette fois, tandis que les hélicoptères tournoyaient, en présence d'une foule nombreuse, au-dessus de Mareuil, prêts à intervenir, les voitures amphibies réussissaient leur mission et ramenaient les trois femmes. »[5]
« Il convient de signaler que durant les 48 heures qui viennent de se dérouler, à Mareuil-sur-Lay, la population a été magnifique de dévouement, ainsi que la troupe et, comme dans toute la Vendée, la gendarmerie. M. Priouzeau[6], conseiller général, maire, a pris toutes les dispositions qui s'imposaient. Les sapeurs-pompiers commandés par le sous-lieutenant Mallet, n'ont pas arrêté pratiquement de participer aux sauvetages et aux travaux de déblaiement. …/… On signale quelques actes de réel héroïsme, comme celui de M. Armand Palvadeau, ramenant dans ses bras, Mme Galipaud, dans des circonstances particulièrement difficiles. »[7]
Crédits photos © Pascal Pallardy
Au presbytère, alors situé rue du vieux pont, des années avant que le tube d’Annie Cordy ne soit sur toutes les lèvres, la bonne du curé pourrait en chanter les premiers vers : « j’voudrais bien (sortir), mais j’peux point ». Monsieur l’abbé Desamy, curé doyen de Mareuil, l’évacue donc sur son dos. Ce cliché noir et blanc de 1960 n’est pas signé. J’ai toujours connu cette carte-photo originale dans la collection de photographies familiales et ai toujours pensé que c’était l’un de mes frères qui avait été témoin de ce sauvetage… ceux-ci ont finalement démenti. C’en est l’unique exemplaire connu à ce jour. Il a servi d’illustration à la revue Au Fil du Lay n°73 intitulée « L’eau en Pays Mareuillais » et a ensuite été publié dans Ouest-France (article du 09 novembre 2020). Vendu par la commune en mai 2010, le presbytère a été transféré à l’emplacement de l’ancien logement de fonction du percepteur, sur la place de l’église.
L’heure est au bilan. « Les services de la Direction Départementale de l’Equipement de la Vendée ont qualifié cette crue d’historique par son débit impressionnant de 700 m3/seconde. »[8] « On mesurait hier dimanche l'étendue considérable des dégâts. Mareuil-sur-Lay est dévasté. Les deux tiers du bourg ont été envahis par les eaux. Les murs des maisons sont lézardés, fissurés. De nombreux murs de clôtures sont effondrés ; des rues défoncées. Des magasins entiers ont été anéantis et leurs stocks de marchandises emportés par les eaux, comme par exemple à la Maison Truteau[9]. Un troupeau entier de bestiaux, appartenant à M. Robin, a été noyé à la Charoulière, A la minoterie, les dégâts sont considérables. 400 sacs de blé ont été emportés ou détériorés. …/… Chez M. Bléneau, boulanger, les dégâts sont particulièrement graves, ainsi que chez M. Boisson, employé à la Caisse d'Epargne, dont l'automobile a été emportée par la crue. Chez ce même M. Boisson, comme chez la plupart des habitants sinistrés de Mareuil, les stocks de vins qui comptent parmi les meilleurs crus de Vendée, ont été détruits. C'est une centaine, au moins, de barriques de vin qui sont détruites.»[10]
La digue de protection de la carrière Libaud des Roches Bleues cède sous la pression des eaux, le matériel et les installations électriques sont noyées, 1 000 000 de m3 devront être pompés, 130 ouvriers sont au chômage. Les dégâts pour cette seule entreprise s’élèvent à près de 123 000 NF. « L’eau est entrée dans 205 maisons sur un total de 392 situées dans le bourg et dans 4 fermes. 103 constats de sinistres ont été validés pour un montant de dégâts réévalué à 470 000 NF. »[11]
Les secours et la solidarité se manifestent spontanément :
« Hier dimanche, sous les halles, M. Priouzeau, maire de Mareuil, a présidé une réunion pour l'organisation des premiers secours. Le conseil municipal de Mareuil a voté 1.500 NF ; le Secours Catholique 1.000 NF ; la Croix-Rouge 500 NF. Après la réunion, des draps, des couvertures, des vêtements ont été distribués aux grands sinistrés, ainsi que des sommes d'argent de premier dépannage.»[12] Les communes de Corpe et de Sainte-Pexine votent respectivement une aide de 50 NF et 150 NF ; le stade luçonnais reverse la recette du match de foot du 11 novembre au profit des sinistrés, soit 550 NF.
La mémoire mareuillaise restera marquée par les spectaculaires inondations de 1960. Cependant la petite cité a connu et connaitra d’autres crues dans son histoire, notamment le 26 novembre 1770 ; c’est ce que nous verrons dans un prochain article…
Pascal Pallardy, 31 janvier 2022.
[1] L’école publique était alors située à l’emplacement actuel de la poste et du parking attenant.
[2] Ouest-France du 5 novembre 1960, page 8.
[3] Articles Ouest-France du 5 novembre 1960, édition Loire - Maine et Loire, page 6 et édition Sarthe, P6.
[4] Ouest-France du 9 novembre 2020.
[5] Ouest-France du 7 novembre 1960, page 16.
[6] Il s’agit de Maurice Priouzeau (1889-1976), vétérinaire, maire de la commune de 1953 à 1971 et conseiller général de la Vendée de 1945 à 1970. Voir sur Persée : F. Lagneau, Eloge de Monsieur Théodore, Maurice Priouzeau, Bulletin de l'Académie Vétérinaire de France, Année 1976, 129-4 pp. 479-480.
[7] Ouest-France du 7 novembre 1960, page 16.
[8] Jean-Pierre Chaillou, Aléas climatiques en Pays Mareuillais, Fil du Lay n°73, 2019, page 70. (D’après l’Atlas des zones inondables, DDE Vendée, 1999).
[9] L’épicerie Truteau était située à l’actuel n°12 de la rue Ferdinand Mandin.
[10] Ouest-France du 7 novembre 1960, page 16.
[11] Archives municipales de Mareuil sur Lay. Cité par Jean-Pierre Chaillou, Aléas climatiques en Pays Mareuillais, Fil du Lay n°73, 2019, page 72.
[12] Ouest-France du 7 novembre 1960, page 16.
Une de nos fidèles lectrices, Nathalie Bourez de Péault, se souvient que, d'après sa mère, son père, alors employé municipal de la commune de Péault, avait été "missionné" par la mairie pour aller faire la quête auprès des habitants afin de récolter de l'argent pour les Mareuillais. Ce pourrait bien être à l'occasion des inondations de 1960...
Pour illustrer notre propos voici un émouvant reportage photos réalisé alors que la décrue est amorcée comme en témoignent les traces de montée des eaux sur certains clichés. Un tampon "Van EENOO - CLERJEAU & fils Luçon" est déposé au dos des photographies.
DIAPORAMA, si nécessaire cliquez sur la flèche à droite pour faire défiler les vues.