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En classe à l’école publique de garçons de Rosnay

dans les années 1880.

         En 1880 Rosnay, petite commune rurale vendéenne de 759 habitants, possède une école publique de garçons d’une classe située à l’emplacement de l’actuelle école publique. Les filles, quant à elles, fréquentent la classe unique de l’école privée de filles tenue par les sœurs de la Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie de Mormaison ; la création d’une école publique de filles est envisagée dès 1882 mais elle ne sera ouverte qu’en 1903.

 

« Dans la salle de classe », Paul Louis Martin des Amoignes, Huile sur toile, 1886.

         Les effectifs scolaires de l’école de garçons sont alors en hausse et le 20 novembre 1881 « le Maire fait observer au Conseil l’accroissement considérable que prend la population scolaire de son école de Garçons. Les inscriptions pour l’année 1881 atteignent le chiffre très élevé pour la commune de quatre-vingt neuf. Le mois de novembre accuse 75 présences. Malgré tout son dévouement l’instituteur ne peut supporter seul pendant longtemps une tâche aussi lourde sans préjudice et pour ses forces & pour les progrès de ses élèves. Un poste d’instituteur adjoint est donc devenu nécessaire. …/… Le Conseil considérant qu’il est de son devoir d’assurer le plus possible le rapide développement  de l’instruction ; que le local de l’école, récemment réparé est suffisant pour deux salles de classe ; qu’une chambre pourrait être distraite du logement de l’instituteur et être affectée à l’usage d’un instituteur adjoint ; » demande à l’unanimité la création d’un poste d’instituteur adjoint « mais considérant que la Commune ne peut y affecter aucune ressources, il prie l’Administration de prendre à sa charge ce surcroit de dépenses. »[1] Le 19 février 1882 le conseil municipal vote le traitement des instituteurs pour l’année 1883, 1133 frs pour le directeur et 700 frs pour l’adjoint et demande une subvention de l’Etat ou du Département pour compléter les dépenses de l’instruction primaire.

         Mr Chauveau arrive le 15 avril 1882 à l’occasion de l’ouverture de la deuxième classe, il est donc adjoint avec pour directeur Louis-Charles Grolleau. Peut-être dut-il signer un contrat comme celui ci-après qui était parfois demandé à cette époque dans les écoles vendéennes. 

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       « NOTE à remplir pour prendre l’arrêté de nomination et le soumettre à l’agrément de M. le Préfet, et prière de retourner lesdites pièces au Directeur de l’Ecole Publique de …………

          Nom et Prénom : ……………….

          Date et lieu de naissance : ……………………………

          Nature et date du Brevet : ……………………………

          Indication de l’emploi depuis les dix dernières années : …………………………..

          Traitement : 200 F par la commune et 600F F par le Département et l’Etat.

          REGLEMENT POUR L’INSTUTUTEUR ADJOINT DE …………………

         1° L’instituteur adjoint est chargé, sous l’autorité du titulaire de la Direction, de la 2ème classe. Il surveille le nettoyage des classes.

          2° Il aide le Directeur dans la direction des cours gratuits d’adultes.

      3° L’adjoint a son logement à la maison d’école, mais il pourvoit à tout ce qui lui est nécessaire pour son coucher, son blanchissage et éclairage. Toutefois je mets à sa disposition un bois de lit, une paillasse et une couette.

          4° L’adjoint est admis à la table du titulaire moyennant une pension alimentaire de 275 F pour les onze mois de classe, ou 25 f par mois. Cette pension est payée : 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et le jour de l’ouverture des vacances.

         5° conformément à l’article 5 du Règlement des écoles publiques de Vendée, l’instituteur adjoint s’abstiendra de fréquenter les cabarets, cafés, ni aucune autre société qui ne conviendrait point à la gravité et à la dignité de ses fonctions.

          6° Suivant l’article 23 du même règlement, l’adjoint conduira les élèves à l’église lorsque leur présence y sera nécessaire : le dimanche et pendant le catéchisme. Il restera à l’église pour y surveiller les enfants.

       7° L’instituteur adjoint se conformera strictement à l’article 34 du règlement précité qui oblige l’instituteur à exercer une surveillance constante et active, non seulement à l’intérieur des classes, mais pendant les récréations.

         8° Chaque soir, à 8 heures, l’instituteur adjoint doit être rentré à l’établissement, à moins d’en avoir demandé et obtenu une autorisation pour une heure plus avancée de la nuit.

          Le 22 août 1876 : le titulaire …………

          Pour copie conforme et acceptation : l’instituteur adjoint ………….. »[2]

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          Antoine Picard est nommé directeur au décès de Louis-Charles Grolleau le 18 novembre 1883. Le 20 décembre 1883, « vu que l’enseignement de la gymnastique est obligatoire…/… vu que le poêle qui se trouve dans la classe est hors d’usage…/… vu que le commune possède des livres destinés à former un fonds de bibliothèque », la municipalité sollicite du Préfet un secours pour financer le mobilier scolaire suivant : Agrès de gymnastique pour 35frs (corde lisse, échelle de corde, anneaux, corde à nœuds et trapèze), un habitant de la commune fournissant le bois pour le portique ; un poêle avec tuyaux 50 frs ; une armoire bibliothèque 45 frs ; soit un total de 150 frs avec la main d’œuvre.[3]

         C’est Antoine Picard qui renseignera le 20 juin 1884 l’enquête « statistique sur la situation des écoles primaires publiques en 1884 » diligentée par le ministère de l’Instruction Publique[4]. Ce document nous fournit un fidèle aperçu de l’enseignement public à Rosnay à cette époque. La commune de Rosnay compte alors 759 habitants. L’école, construite en 1845 et agrandie en 1879, comporte 2 salles de classe au rez-de-chaussée de plus de 32 m2 (6,10 x 5,35m), la hauteur sous plafond est de 3,04 m, elles sont dépourvues de plancher, chauffées par un poêle à bois, suffisamment éclairées et aérées. A raison d’un mètre carré par élève, l’école est donc sensée accueillir 65 élèves maximum. Au 5 avril 1884, les 2 enseignants encadrent 74 garçons dont 40 sont étrangers à la commune. 4 ont entre 5 et 6 ans, 66 entre 6 et 13 ans et 4 plus de 13 ans. On ne dispose pas de bancs et tables en quantité suffisante, il en manque pour 12 élèves de 6 à 13 ans.

        La bibliothèque scolaire compte 42 volumes, il y a également un musée scolaire, (généralement une ou deux armoires contenant les livres et divers objets pouvant servir de support à l’enseignement tels des minéraux, fossiles, objets archéologiques, monnaies et objets usuels de mesures). Il n’y a pas de salle distincte pour le dessin ou les travaux manuels, pas de vestiaire ni de fontaine (un puits est creusé en novembre 1885).

         Les bulletins de l’Instruction Primaire de la Vendée nous rapportent que des dotations du ministère de l’Instruction Publique permettent d’équiper les écoles. L’école de Rosnay reçoit : une carte de France en relief, un globe terrestre et un compendium métrique en 1880, une carte d’Europe en 1881, une concession de livres pour la bibliothèque scolaire en 1882, une carte de France, une mappemonde, et un tableau de système métrique en 1890, une collection de tableaux d’histoire naturelle en 1892.[5]

          Il n’y a pas de caisse des écoles, les fournitures classiques ne sont pas distribuées gratuitement aux élèves, la dépense annuelle pour les fournitures scolaires est estimée à 5 francs par élève. Il n’y a pas de cours d’adultes, (ils seront mis en place lors de l’hiver 1884-85), ni de pensionnat.

 

Plan de l’école de Rosnay dressé par Antoine Picard le 20 juin 1884

 (Statistique sur la situation des écoles primaires publiques en 1884,  Archives Nationales, F/17/*/3127, p 161.) 

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         L’école est équipée d’un préau couvert de 42 m2, d’une cour de 518 m2 (au nord), d’un gymnase découvert (probablement est-ce la cour ?), il y a deux lieux d’aisances. Dans un bâtiment attenant il y a une grande salle de 54 m2 pour la mairie, un bucher et un cellier.

         Le logement de l’instituteur dispose de 4 pièces, 3 chambres dont une pour l’adjoint et une cuisine. Au sud il y a un jardin de 10 a 77 ca.

         L’instituteur conclut : « L’installation générale de la Maison d’Ecole est satisfaisante. La Municipalité fait de grands efforts pour accroitre le bien-être de ses classes. »

 

         Nous sommes en pleine agitation liée aux nouvelles lois scolaires, le Conseil général de la Vendée, à la majorité conservatrice (légitimistes), proteste énergiquement contre le mouvement de laïcisation des écoles de filles puis contre les lois républicaines d’enseignement, il s’oppose même à la création d’une école normale d’institutrices en Vendée.[6]  Le conseil municipal se réunit le 14 octobre 1883 en urgence car le Préfet « fait appel à la générosité de la commune pour solder, à défaut du département, une somme de 120,30 francs, due à l’Instituteur et à l’Institutrice pour fournitures scolaires faites aux enfants assistés depuis le 1er janvier dernier. Mr le Maire fait observer que cette dépense qui incombe naturellement au département avait toujours figuré au budget départemental ; mais que cette année, le Conseil Général par haine pour nos institutions et surtout pour la loi sur l’Instruction laïque et obligatoire a refusé d’inscrire cette dépense sur son budget la faisant supporter ainsi par l’Etat, par les communes ou par les intéressés eux-mêmes. Ce procédé qu’on ne peut qualifier est bien digne de la majorité de notre Conseil Général.

         Le Conseil refuse à l’unanimité de ses membres regrette de ne pouvoir contribuer dans la dépense déjà effectuée, & laisse au Conseil Général le soin de pourvoir lui-même aux frais scolaires des enfants assistés pendant l’année 1884 & blâme en termes les plus énergiques cette coterie intentable composant la majorité du conseil Général de la Vendée qui comble les pires ennemis de la République de prodigalités insensées au préjudice du département & qui refuse à ces pauvres enfants les moyens d’acquérir les connaissances désormais nécessaires à tout citoyen. …/… (Approuvé la rature de 105 mots nuls) »[7]  ( Les extraits notés en bleu dans cette retranscription sont en réalité raturés sur le registre de délibérations municipales).    

 

        La loi du 28 mars 1882 institue, entre autres, l’obligation de l’instruction primaire de 6 à 14 ans. Le 3 mars 1883, la commission scolaire considère « que les absences non motivées ne sont point le résultat de l’indifférence des parents mais bien plutôt l’état de gêne, l’embarras au point de vue agricole dans lequel se trouvent certaines familles après la saison pluvieuse que nous venons de traverser. L’application de la loi du 28 mars doit avoir son tempérament surtout en ce qui concerne les enfants qui sont entrés dans leur 13ème année ou même ceux qui moins âgés appartenant à des familles pauvres étaient déjà en condition lors de la promulgation de la loi sus énoncée. Il y a lieu d’user de tolérance pour faire aimer la loi sauf à y allier la fermeté en temps opportuns pour en obtenir de tous la stricte et rigoureuse observation. »[8]

 

         Les édiles locaux sont sensibles à l’instruction de leurs concitoyens, chaque année le conseil municipal vote une subvention de 10 francs pour la bibliothèque populaire : « Dans le cours de l’année 1885 une souscription a été faite dans la commune dans le but d’augmenter les ressources de la bibliothèque populaire, que cette souscription a atteint un chiffre peu élevé et qu’il y aurait lieu de faire un appel au Cercle vendéen de la Ligue de l’enseignement pour servir d’intermédiaire et pour venir en aide, mais que plus les ressources seront élevées plus fort sera le secours que le Cercle accordera. …/… Le Conseil considérant que la lecture est un moyen puissant d’instruction, d’éducation et de civilisation pour la jeunesse vote une somme de dix francs pour achat de livres pour la bibliothèque populaire de Rosnay. »[9] Ils encouragent parfois personnellement l’éducation : « Mr Citeau, instituteur à Rosnay, a reçu de Mr Guyet, Maire, 3 volumes d’une valeur de 3 frs chacun destinés à être donnés en prix aux 3 élèves qui ont subi avec succès l’examen du certificat d’Etudes Primaires (de 1886) ; de Mr Dubois, propriétaire, 7 livrets de caisse d’épargne de 1,00 frs destinés aux élèves qui se sont présentés à cet examen. »[10]

 

         L’école primaire publique de Rosnay s’appelle depuis 2023 « l’école du grand chêne » et compte actuellement 3 classes.

 

        (Ce texte est extrait d’une étude plus large sur l’histoire des écoles publiques de Rosnay que j'ai publiée dans la revue « Au fil du Lay » N°84 de l’Association Culturelle du Pays Mareuillais (ACPM) à paraitre au 4ème trimestre 2024).

Pascal Pallardy, septembre 2024

 

[1] ADV, Délibérations municipales de Rosnay 1876 – 1883, AC 193 5, vue 32/52.

[2] Document présenté par André RETAIL, Instituteur en pays de Chouannerie, Le Cercle d’Or, 1981, p.44.

[3] ADV, Délibération municipale du 20 décembre 1883, AC 193 6, vue 3/53.

[4] Statistique sur la situation des écoles primaires publiques en 1884, Archives Nationales, F/17/*/3127, vues 160 à 162/251.

[5] Bulletins de l’Instruction Primaire de la Vendée : déc 1880, p.195 ; mars 1881, p.34 ; août 1882, p.257 ; déc 1890, p.187 ; nov 1892, p.171.

[6] HELLO Yves, REGOURD Françoise, La Vendée des origines à nos jours, Ed Bordessoules, 1982, p 322.

[7] ADV, Délibération municipale du 14 octobre 1883, AC 193 5, vues 50 & 51/52. Les passages écrits en gras dédoublés

[8] Arch Mun Rosnay, Rapport commission scolaire du 03 mars 1883 sur les motifs d’absentéisme, 1 R 2.

[9] ADV, Délibérations municipales des 16 novembre 1884 & 22 novembre 1885, AC 193 6, vues 17 & 26/53.

[10] Bulletin de l’Instruction Primaire de Vendée, août-septembre 1886, p. 149.

Dans la salle de classe, Jean Paul Louis Martin des Amoignes, 1886.
plan école publique Rosnay (Vendée) en 1884.jpg
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