Quand le château de Mareuil avait du cachet
ou
un laboratoire pharmaceutique à Mareuil
Lorsqu’on évoque le château de Mareuil sur Lay, certains pensent aux seigneurs de La Trémoille, (re)voir mon article « Quand trois aigles d’azur s’envolent… » sur ce site, et d’autres savourent les crus mareuillais dont le château « Marie du Fou » est maintenant la vitrine. Mais qui se souvient du passé « industriel » de cet édifice ?
En 1948, les époux Vermeiren installent un laboratoire pharmaceutique dans le château de Mareuil qu’ils viennent d’acheter. La société Libs prospère pendant plus de 20 ans, elle exporte des médicaments jusqu’en Afrique et a des clients prestigieux comme le docteur Schweitzer, prix Nobel de la Paix en 1952.[1] L’entreprise, qu’on peut alors qualifier de familiale, est une aubaine pour le bassin d’emplois mareuillais. Monsieur Vermeiren est le directeur de l’entreprise, madame Vermeiren - Le Bras est pharmacienne. Une ancienne employée se souvient d’une organisation stricte, voire sévère. Au travail le vouvoiement est de rigueur et l’on ne peut pas interpeler ses collègues par leur prénom. Après un premier mois à l’essai non rémunéré, les horaires sont importants, 45 heures/par semaine avec des heures supplémentaires non payées. Certains dimanches peuvent être travaillés en fonction des commandes.[2] L’effectif va même avoisiner la centaine d’employés, des bâtiments supplémentaires seront construits route de Champ Saint Père.
Mais la disparition subite de son PDG à 54 ans est un tournant dans l’entreprise.
Un premier conflit avec la direction apparait en avril 1973 au moment de la mise en place d’une section syndicale à la suite du licenciement d’un candidat CFDT à l’élection du comité d’entreprise.[3] Puis en septembre 1973, « le personnel des laboratoires Libs de Mareuil sur Lay (environ 70 salariés dont une dizaine de cadres et techniciens) a cessé le travail depuis mercredi. Sur 60 personnes travaillant dans ce laboratoire, une trentaine est employée au conditionnement. Le reste est réparti au laboratoire contrôle et analyses, ainsi qu’au service administratif. …/… La revendication porte sur une demande de révision des salaires de l’ordre de 200 F par mois pour toutes les catégories de personnel. …/… Le syndicat CFDT précise que malgré les responsabilités et les exigences professionnelles nécessaires, les salaires sont de l’ordre de 867 F net pour 40 heures de travail, tous avantages inclus. Pour les catégories les plus basses, cette rémunération dépasse tout juste le S.M.I.C. …/… Dans cette profession qui réalise de substantiels bénéfices, les employeurs au niveau national n’ont pratiquement pas discuté des salaires et des avantages sociaux depuis trois années »[4]
Banquet du personnel du laboratoire LIBS de Mareuil sur Lay vers 1970
Le samedi 19 avril 1975 a lieu à 11h00 au restaurant « Le Mareuillais » l’inauguration officielle du laboratoire « Knoll France – Libs » de Mareuil en présence du président du Conseil Général de la Vendée. Elle est suivie d’un méchoui au château.[5] L’entité mareuillaise a été rachetée par le géant allemand Knoll qui emploie plus de 5000 personnes et dont le chiffre d’affaires dépasse les 650 millions de francs. Le Professeur Ernest Blekert, président du directoire de la société « Knoll A.G. Allemagne », promet ce jour-là la construction à Mareuil d’un nouveau laboratoire qui portera la superficie des structures à 3000 m2 abritant un centre de recherches et une unité de fabrication entièrement opérationnels fin 1978. On devrait passer progressivement de 80 à 220 employés…[6] En février 1976 les plans sont approuvés par le conseil de surveillance Knoll, mais la société est rachetée par B.A.S.F., première société chimique mondiale, et le projet est abandonné fin 1976. En avril 1977, l’unité mareuillaise n’emploie plus qu’une cinquantaine de salariés (en surnombre) et travaille à 50% de sa capacité.[7] Fin 1977 la direction propose au personnel un transfert des postes au laboratoire Biosedra de Louviers. Si une quarantaine de cadres parisiens et visiteurs médicaux acceptent cette mutation, il en est tout autre pour les 50 salariés mareuillais qui sont licenciés.[8] 30 d’entre eux seront encore au chômage 14 mois après.[9]
Le château de Mareuil passe ensuite entre des mains privées. Il est racheté et rénové en janvier 2000 par la famille de viticulteurs Mourat. Le bâtiment est alors baptisé « le château Marie du Fou » et devient une vitrine des vins de Mareuil.
Pascal Pallardy, 07 avril 2024
[1] Ouest-France, article du 5 avril 2024.
[2] Témoignage recueilli en 2008.
[3] Ouest-France, article du 13 septembre 1973.
[4] Ouest-France, article du 13 septembre 1973.
[5] Ouest-France, article du 19 avril 1975.
[6] Ouest-France, article du 21 avril 1975.
[7] Ouest-France, article du 13 avril 1977.
[8] Ouest-France, article du 14 décembre 1977.
[9] Ouest-France, article du 16 mars 1979.