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Arrêt sur images à Mareuil sur Lay et ses environs   

 

De l’hôtel à la médiathèque,

invitation au voyage.

 

A Mareuil sur Lay Dissais, la nouvelle médiathèque intercommunale a ouvert ses portes au public le samedi 3 juin 2023. A l’angle de la rue du Lay et de la rue Hervé de Mareuil, l’établissement est situé à un emplacement stratégique de la cité en lieu et place de l’ancien hôtel des voyageurs.

 

L’hôtel des voyageurs a été construit à la fin du XIXème siècle ; le plan du bourg[1] dressé par Georges Loquet, architecte du département, le 15 octobre 1881 ne mentionne pas de bâtiment à son emplacement.

Dans les années 1990, j’avais mené une « petite enquête » auprès des anciens de la commune, il ressortait de la mémoire collective que l’hôtel des voyageurs avait tout d’abord été tenu par un certain Monsieur Pascal, puis Chevallier vers 1905 et enfin Neau en 1925. Essayons d’approfondir…

Les annuaires statistiques de la Vendée de 1903 à 1926[2] rapportent tous un Chevallier (ou Chevalier) à l’hôtel des voyageurs. On peut d’ailleurs déchiffrer ce patronyme sur la devanture du « GRAND HOTEL DES VOYAGEURS » sur les cartes postales anciennes du début du siècle. Les recensements de la population de 1906, 1911 et 1921 confirment que Benjamin Chevallier est bien maitre d’hôtel rue de la Roche avec son épouse et deux domestiques, puis seulement une servante lorsque son fils devient garçon d’hôtel. Auparavant, l’hôtel des voyageurs a été tenu par Pascal Arrignon, maitre d’hôtel, aidé de son épouse et de deux domestiques pendant plus de 15 ans.[3]

Les nombreuses cartes postales anciennes du début du XXème siècle attestent que ce carrefour du centre de Mareuil sur Lay connaissait une réelle animation. L’hôtel des voyageurs devient vite un lieu incontournable de la vie mareuillaise et le restera pendant de longues décennies.

Monsieur Albert Valotteau se souvient que ses grands-parents, Ferdinand et Marie Neau ont pris la gérance de l’établissement en 1925[4] ; le recensement de 1926 le confirme[5]. Ils deviendront propriétaires de l’immeuble, entreprendront des travaux d’agrandissement dans les années 30. L’hôtel comptera alors 18 chambres, une grande salle, un restaurant ainsi qu’une écurie pouvant recevoir plus de 20 chevaux[6]. L’écurie et le bar étaient très fréquentés chaque jeudi à l’occasion du marché hebdomadaire ou lors de la foire mensuelle. 

L’hôtel des voyageurs est aussi réputé

pour sa bonne table, Marie est une

excellente cuisinière et le couple

accueille régulièrement des banquets[7].

La grande salle permet

aussi d’organiser des bals.

 

              Article Ouest Eclair du 28 août 1932                                                                                             Article Ouest Eclair du 07 juin 1938 

 

En 1940, l’hôtel est occupé par les militaires allemands. « C’était infernal, on était obligé de leur faire à manger à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Tous les soirs, ils venaient au bistrot. Il y avait le couvre-feu, mais ce n’était pas pour eux. » raconte Albert Valotteau[8]. L’article de journal suivant, du 30 juin 1942, semble nous décrire une tout autre réalité, bien surprenante en ce temps d’occupation.

LA SAISON ESTIVALE BAT SON PLEIN

Et chaque jour les hôteliers vendéens refusent du monde

 

- Bonjour M. l’Hôtelier, vous n’auriez pas une double place à votre table pour le mois de juillet. Ce sont deux amis de Paris qui voudraient venir se reposer à la campagne.

Nous avons posé cette question à plusieurs hôteliers des environs de La Roche sur Yon -on nous avait demandé « à la campagne avec une rivière- et tous nous ont fait cette même réponse : C’est complet.

- Songez donc, nous dit Madame Neau, la tenancière de l’hôtel des voyageurs à Mareuil sur Lay, un des meilleurs « relais de gueule » de Vendée pour employer l’expression de notre collègue et ami Saillant dit Curnonsky, nous n’avons plus une seule place de libre depuis avril dernier.

- Tout était déjà retenu à cette date ?

- Absolument tout. Et voyez, ce matin une famille parisienne est partie, elle est remplacée ce soir même par une autre.

- Vous recevez encore beaucoup de demandes de pension ?

- Tenez, voici le paquet des lettres reçues ce matin.

Et elle nous montre sur le buffet un paquet de douze ou quinze enveloppes multicolores d’où elle retire des feuillets couverts d’une écriture abondante, suppliante, presque douloureuse. Des gens qui voudraient s’échapper un peu de la ville, fuir l’atmosphère des grandes agglomérations, l’odeur du métro et des usines pour respirer quelques bouffées d’air frais et parfumé et aussi pour remplacer le régime des restrictions par une nourriture saine et un peu plus abondante.

- Mais que voulez-vous, nous déclare l’hôtelière, il ne nous est pas possible de prendre un client de plus.

- En trouvant une chambre à l’extérieur peut-être…

- Même pas ! Et puis j’ai 65 ans, mon mari en a 66.

Le père Neau, comme on l’appelle dans le pays, aspire lui aussi à se reposer. Mais se reposera-t-il bien un jour ? Au lieu de faire la « mariennée », il est parti au foin. Les pensionnaires, eux, n’ont que l’embarras du choix, ou bien se promener dans la campagne pittoresque ou bien flâner au bord de l’eau en surveillant les oscillations d’un bouchon.

Heureux pensionnaires ! Se doutent-ils qu’ils y a des milliers de personnes qui auraient bien voulu trouver, elles aussi, le petit coin tranquille pour passer quelques jours de vacances !

 

Ouest-Eclair du 30 juin 1942

 

Les époux Neau vont donc vendre l’hôtel en 1943. Le recensement de 1946 indique que l’établissement est tenu par Madame Célestine Pichard, avec son fils Célestin et son épouse Marthe qui ont 4 enfants.

En mars 1945, les soldats allemands sont partis ; un concours de palets, alluettes et belotte y est organisé au profit des prisonniers de guerre, puis le banquet pour fêter le 11 novembre 1945[9].  L’hôtel des voyageurs redevient un lieu de festivités : le banquet de la Jeanne d’Arc, à l’occasion de la Sainte Cécile, réunit 50 convives sous la présidence du Docteur Frappier en 1946[10]. Monsieur Pichard va même proposer des projections « Paris cinéma » dans son établissement, les Mareuillais vont donc découvrir Tarzan sur le grand écran[11].

A la fin des années soixante-dix, l’hôtel des voyageurs était le lieu de rendez-vous de la jeunesse mareuillaise attirée par les flippers, le billard ou les premiers jeux vidéo d’arcade dans la salle de jeux. Un dancing, ou plutôt une boite de nuit, sera même installé dans l’ancienne écurie.

 

Puis les propriétaires vont se succéder et l’établissement va finalement tomber en désuétude…

Ouest-France du 18 décembre 1965

 

En 2019, la communauté de communes Sud Vendée Littoral dévoile son projet de construction d’une médiathèque à l’emplacement de l’hôtel des voyageurs. « Malgré la proximité de l’église, les Bâtiments de France ne s’opposent pas à la démolition du bâti existant, remarque Jean-Pierre Hocq, alors maire de Mareuil. Le projet devra, toutefois, reprendre l’alignement et une volumétrie proche de l’existant, afin de maintenir le caractère général de la rue. »[12] On connait la polémique soulevée par l’esthétique de ce bâtiment au pied de l’église romane ; certains mareuillais se remémorant les tracasseries administratives, voire les refus endurés, lors du dépôt de permis de construire dans le périmètre du bâtiment classé.

Le projet s’élève aux alentours de 2 300 000 euros. L’établissement culturel, qui se veut « un lieu confortable et accueillant »[13], abritera près de 13000 documents. L’ancien hôtel des voyageurs est détruit fin août 2020. Les travaux et l’aménagement s’échelonneront sur plus de deux ans et demi.

 

En janvier 2023 le nom de la future médiathèque est dévoilé : la médiathèque des voyageurs. « Il fait référence au nom de l’hôtel des voyageurs, qui était situé à l’emplacement du futur équipement culturel.  Ce nom fait aussi appel à l’imaginaire et à la littérature des voyages », explique la présidente de la communauté de communes. La médiathèque fera certainement une belle place aux œuvres de Charles Baudelaire, car nul doute que

 

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté. »[14]

 

Pascal Pallardy, 08 juin 2023.

 

[1]Commune de Mareuil - Plan du bourg, avec l'indication de la maison d'école de garçons / Dressé par l'architecte du département, Georges Loquet le 15 octobre 1881. ADV, 1 O O 417-3.

[2] Annuaire administratif, statistique, commercial et industriel du département de la Vendée. J’ai consulté ceux de 1903/1904, 1914, 1923 et 1926 (ce dernier mis à jour au 1er octobre 1925).

[3] Recensements de la population de Mareuil sur Lay de 1886, 1891, 1896 et 1901.

[4] Article Ouest France du 27 mars 2022.

[5] Le recensement de la population de Mareuil de 1926 répertorie Ferdinand Neau, son épouse Marie et leur fille Fernande âgée de 14 ans.

[6] Article Ouest France du 27 mars 2022.

[7] Banquet de la fête du 14 juillet 1935 (Ouest-Eclair du 17/07/1935). Banquet de la Sainte Cécile (Ouest-Eclair du 26/11/1936).

[8] Article Ouest France du 27 mars 2022.

[9] Ouest-France du 23 mars 1945 et du 07 novembre 1945.

[10] Ouest-France du 20 novembre 1946.

[11] Ouest-France du 02 août 1946 et du 01 mars 1947.

[12] Ouest-France du 27 septembre 2019.

[13] Brigitte Hybert, Présidente de la communauté de communes, Ouest-France du 24 avril 2021.

[14] Refrain du poème « L’Invitation au voyage » de Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, (1857).

Crédit photos :

Carte postale ancienne en haut de page (vers 1905) = Collection G.M.D Dugleux,  phot., La Roche sur Yon

Carte postale ancienne N°1 diaporama (vers 1905) = Collection G.M.D Dugleux,  phot., La Roche sur Yon

Carte postale ancienne N°2 diaporama (vers 1905) = R Bergevin édit., La Rochelle

Carte postale ancienne N°3 diaporama (années 30) = J. Nozais, Nantes, Collection S Guitton, Mareuil

Carte postale ancienne N°6 diaporama (vers 1905) = Collection G.M.L.A.

Carte postale ancienne N°7 diaporama (avant 1945) = Editeur non mentionné

Carte postale ancienne N°8 diaporama (vers 1960) = Studio R. Gaubard, Mareuil sur Lay

Carte postale ancienne N°10 diaporama (vers 1905) = Lib. Poupin, Mortagne

Photos couleur, de juin 2020 & janvier 2023  © Pascal Pallardy

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